1.9.14

JEFF KOONS : A RETROSPECTIVE AT WHITNEY MUSEUM

LE SULFUREUX
L'exposition Jeff Koons: a retrospective proposée par le Withney Museum de New York permet d’appréhender dans sa globalité l’oeuvre du «sulfureux». Ce surnom suit  l’artiste depuis l’exposition Made in Heaven qui exhibe ses relations sexuelles avec la star du porno italienne, la Cicciliona. Toutefois,  «sulfureux» pourrait aussi définir le rôle ambiguë joué par Koons sur la scène de l’art contemporain ; alors qu’il prône un art accessible à tous, Koons est un des artistes vivants les plus riches, qui manie habilement  les règles du marché.


1. L'HÉRITIER DU READY MADE ET DU POP ART
Koons utilise des moyens artistiques déconcertants, dont la banalité apparente amène finalement à une réflexion plus profonde. Il se fait ainsi l’hériter du Ready Made. «Objet usuel promu à la dignité d’objet d’art par le simple choix de l’artiste» tel que le définit André Breton. L’exposition New, illustre bien cette approche, puisque Koons y expose des objets très prosaïques tels que des aspirateurs ou de fausses affiches publicitaires, dans le but de représenter, et peut être moquer «l’émotion» que nous ressentons parfois face aux objets de consommation couronnés d’un label de nouveauté. C’est donc avant tout dans le sous-entendu que cette démarche prend sa force, «un ready made n’est pas qu’un simple objet, c’est une chose faite avec des mots.» écrit le critique Didier Semin. Une telle présentation d’objets de consommation identiques en grande quantité, rapproche aussi l’artiste du Pop Art, dont le chef de fil Andy Warhol, se plaisait à dupliquer à l’infini l’image du même objet ou de la même personnalité, pour anhiler les caractéristiques qu’ils sont censés promouvoir.



2. ART PÉDAGOGUE OU ART POPULISTE ?

«Jeff Koons n’est pas un artiste kitsch. Sa grande qualité est de de briser la frontière entre culture élitiste et culture populaire», affirme Sam Keller, directeur de la fondation Beyeler, où ont été accueillies plusieurs expositions de Koons. Pourtant, le kitsch désigne le caractère esthétique d’un objet ou d’une oeuvre dont les traits dominants sont l'inauthenticité, la surcharge, le cumul des matières, le mauvais goût, et cette définition semble s’appliquer parfaitement aux oeuvres de l’exposition Banality, statues en porcelaines plutôt laides. On y trouve par exemple Ushering in banality représentant deux angelots et un enfant poussant  un cochon, Pink Panther où Jayne Mansfield étreint la Panthère rose, ou encore Bubbles qui représente Michael Jackson avec son gorille apprivoisé. Koons tente ici de donner une «seconde chance» à des oeuvres qui peuvent paraître médiocres, comme les babioles qui trainent sur les étagères de nos grands parents, ou les vieux jouets de notre enfance, mais auxquelles nous attachons une très forte affection. L’artiste dit d’ailleurs à propos de l’exposition Banality  que «Chaque chose ici est une métaphore de notre culpabilité et de notre honte culturelle. Il s’agit de dépasser les jugements pour créer son propre moment parfait». Koons se présente donc comme une sorte de médium entre l’art et la médiocrité. La sculpture Michael and Bubbles est par exemple bien plus recherchée qu’elle ne le semble. Koons parvient à faire de Michael Jackson une icône au sens propre, en reprenant certains procédés de l’art religieux. La star est représentée comme une statue d’or sur un lit de fleurs, sa posture ressemble presque à celle d’une piéta. Koons offre donc avec ses sculptures, un «salut» à notre culture populaire.
Pourtant, il est vraiment tentant de penser que certaines oeuvres manquent de profondeurs, et sont exclusivement destinées à nourrir l’indignation, le voyeurisme, ou la compassion. L’exposition Made in heaven, où l’artiste met en scène sa sexualité, pour  railler les clichés de la rencontre amoureuses portés par les films hollywoodiens, n’avait elle pas pour seul but de  déclencher une polémique ? Un peu plus tard il réalise Split Rocker, une de ses sculptures les plus célèbres formée de deux têtes de dinosaures en plastique, qui s’imprègne de la séparation entre Koons et son fils Ludwig, dont la garde est désormais partagée  avec son ex-femme la Cicilionna. Ainsi, la disposition chronologique des expositions de Koons au Withney Museum, provoque un effet désagréable de story telling, de stéréotype, pourtant censé être dénoncé dans l’exposition Made in Heaven. Le  spectateur entre dans une première salle, voit Koons coucher  avec sa femme, puis avance vers une deuxième, où il entre dans l’univers post-divorce et mélancolique de l’artiste. Le second degré, ou le sens caché des oeuvres de Koons est donc parfois difficile à percevoir, et a presque tendance à se retourner contre lui.


3. L'ARTISTE ET LE MARCHÉ

On a déjà rapproché le travail de Koons et celui de Warhol, et on peut prolonger cette comparaison en considérant le rapport que tous deux ont entretenu avec le marché de l’art. Le roi du pop art déclarait lui même «J’ai commencé comme artiste commercial, et je veux finir comme artiste d’affaire...». Koons n’est pas moins concerné par la sphère financière de l’art contemporain, «Il sait excatement ce qui va marcher. Il dispose d’un réseau remarquable qui l’aide dans ses orchestrations complexes. Rien n’est laissé au hasard» affirme Bernard Fibicher,  directeur du Musée des Beaux Arts de Lausanne. Les oeuvres de Koons se réduiraient-elles à des  «produits» labellisés, qui se vendent bien ? Ballon dog orange, une de ses oeuvres les plus célèbres, a atteint le prix record de $58,405,000 lors d’une enchère chez Christie’s. Cette  proximité  de Koons avec les personnalités du marché  pourrait venir questionner  la spontanéité de son travail, qui s'apparenterait alors plus à des «commandes». La simple présence de la monumentale sculpture Split Rocker, devant le Rockefeller center, n’est il pas révélateur d’un art qui  n’est pas gratuit ? Cette spontanéité s’effrite encore un peu plus lorsqu’on s’attarde sur la méthode de travail de Koons. Son atelier ressemble plus à une petite usine qu’à un studio d’artiste, il s’y affairent une cinquantaine «d’assistant». Simples petites mains ou souffleurs  d’idées,  leur véritable rôle n’est pas officiellement connu.



DE NEW YORK À PARIS

Koons charme  donc autant qu’il agace. Entre néo pop art et créations un peu faibles, la frontière est parfois mince. Après New York, l’exposition s’invite à Paris, au Centre Pompidou du 25 novembre 2014 au 27 avril 2015. C’est une exposition qu’il faut voir, car au dessus des oeuvres de Koons, planent les mêmes questions qu’au dessus de l’art contemporain : légitimité, créativité, sens... C’esr pour cela que l’art de Koons attire, il demande au spectateur un véritable travail de critique et de réflexion.  


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